Charles de Gaulle, figure emblématique de notre pays au XXe siècle, est souvent perçu comme un héros nationaliste, notamment à travers son rôle durant la Seconde Guerre mondiale et son mandat présidentiel. Cet article se propose d’explorer la dimension nationaliste de sa politique à travers trois axes majeurs : sa politique domestique, sa politique internationale, et sa gestion de la crise de l’Algérie française.
Après une décennie marquée par l’instabilité politique et les défis de la reconstruction post-Seconde Guerre mondiale, la France se trouvait à un tournant crucial en 1958. Les crises successives sous la IVe République avaient miné la confiance du public dans le système parlementaire. Charles de Gaulle, rappelé au pouvoir en réponse à la crise algérienne, a proposé une nouvelle constitution qui a donné naissance à la Ve République. Cette constitution visait à stabiliser la France en renforçant le rôle du président, un changement radical qui reflète son approche nationaliste en privilégiant l’autorité et l’efficacité au-dessus du système parlementaire fragmenté.
Le 28 septembre 1958, le référendum sur la nouvelle Constitution de la Ve République est approuvé avec une large majorité, marquant le début de l’ère gaulliste. De Gaulle est élu premier président de la Ve République en décembre 1958. Sa vision d’un exécutif fort était clairement une réponse à la faiblesse perçue des précédents gouvernements. Il s’est efforcé de centraliser le pouvoir pour éviter les erreurs du passé, insistant sur un leadership fort capable de prendre des décisions rapides et efficaces pour le bien de la France.
Sous la présidence de Charles de Gaulle, la France a connu une période de transformation économique et sociale significative, visant à moderniser le pays et à renforcer son indépendance économique. Ce volet de sa gouvernance illustre également son nationalisme, prônant l’autosuffisance et une forte intervention de l’État dans l’économie. Le Plan de modernisation et d’équipement lancé en 1958 a été une initiative clé de la présidence de Gaulle, destinée à accélérer la reconstruction et la modernisation de l’économie française après les ravages de la Seconde Guerre mondiale. Ce plan comprenait d’importants investissements dans les infrastructures industrielles, les transports, et l’énergie, soulignant l’engagement de De Gaulle à rendre la France économiquement robuste et autonome. Par exemple, le développement du programme nucléaire civil, notamment avec le lancement du projet Euratom, visait à garantir l’indépendance énergétique de la France.
En plus des réformes économiques, De Gaulle a également mis en œuvre des réformes sociales significatives. Les réformes de l’éducation, comme celles initiées par le ministre de l’Éducation nationale Christian Fouchet, avaient pour objectif de démocratiser l’accès à l’éducation et de favoriser la formation d’une main-d’œuvre qualifiée nécessaire à une économie moderne. De même, les réformes des retraites visaient à améliorer la qualité de vie des citoyens français, illustrant une approche nationaliste qui ne se limitait pas à la grandeur économique, mais s’étendait au bien-être de chaque citoyen. La promotion de la culture et de l’identité française a été un autre pilier de la politique nationaliste de De Gaulle. Conscient du rôle de la culture comme vecteur d’unité nationale et de fierté, son gouvernement a soutenu vigoureusement les industries culturelles françaises. Sous De Gaulle, l’État a joué un rôle actif dans la promotion de la culture française, que ce soit à travers le cinéma, la littérature ou les arts. L’exception culturelle française, bien que plus formellement développée après sa présidence, trouve ses racines dans cette période où la préservation de la culture française face à l’influence américaine était perçue comme essentielle pour maintenir l’identité nationale.
De Gaulle a souvent utilisé ses discours pour souligner l’importance de l’unité et de l’identité nationale. Par exemple, dans son discours à l’Hôtel de Ville de Paris en 1944, il déclara : « Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! mais Paris libéré ! ». Ce discours, tout en célébrant la libération de Paris, réaffirmait aussi l’identité résiliente et indomptable de la France.
La politique extérieure de Charles de Gaulle, souvent qualifiée de politique de « grandeur », visait à rétablir la France en tant que puissance mondiale indépendante, capable de jouer un rôle majeur sur la scène internationale. Cette politique s’est manifestée à travers diverses initiatives audacieuses et parfois controversées, soulignant son approche nationaliste qui privilégiait l’autonomie de la France vis-à-vis des blocs de puissance existants. De Gaulle voyait la grandeur de la France non seulement comme une continuation de son riche héritage historique, mais aussi comme un impératif contemporain pour maintenir son indépendance et son influence. Il croyait fermement que la France devait se démarquer des superpuissances de l’époque, les États-Unis et l’Union Soviétique, pour poursuivre ses propres intérêts. Cela se manifestait par une politique étrangère visant à renforcer la souveraineté nationale et à promouvoir une vision multipolaire du monde. Un des actes les plus symboliques de cette politique fut le retrait de la France du commandement intégré de l’OTAN en 1966. De Gaulle critiquait l’OTAN comme étant trop dominé par les États-Unis et pensait que l’indépendance de la politique de défense française était cruciale pour maintenir sa grandeur nationale. De même, en 1964, il reconnut la Chine populaire, à un moment où beaucoup de nations occidentales maintenaient des relations avec Taïwan, illustrant sa volonté de suivre une voie diplomatique indépendante.
La relation de De Gaulle avec les États-Unis et ses voisins européens était complexe. D’une part, il a promu l’idée d’une « Europe des Nations », où chaque pays conserverait sa souveraineté plutôt que de se fondre dans une union supranationale. Cette vision s’est illustrée par sa politique de la chaise vide, où la France s’est retirée des institutions européennes de 1965 à 1966 pour protester contre des propositions qui menaçaient, selon lui, l’indépendance des États membres. D’autre part, sa visite aux États-Unis en 1960 reflétait un effort de maintenir des relations cordiales, bien qu’il restât vigilant sur les questions de l’autonomie française. De Gaulle a également joué un rôle actif dans la décolonisation, soutenant l’indépendance de nombreux territoires français et africains. Cette politique était en partie motivée par une réalité pragmatique et économique, mais aussi par un désir de repositionner la France comme une puissance moralisatrice et un leader parmi les nations non-alignées. La participation de la France à la conférence de Bandung en 1955 symbolise cet engagement envers le Tiers Monde. Le discours de De Gaulle à Phnom Penh en 1966 est un exemple où il a critiqué l’intervention américaine au Vietnam, appelant à la paix et soutenant le droit des peuples à l’autodétermination. De même, son célèbre cri de « Vive le Québec libre ! » lors de sa visite à Montréal en 1967 a montré son soutien aux mouvements de libération nationale, même quand cela pouvait froisser certains alliés.
Ces discours révèlent une constante dans la pensée gaulliste : la conviction que la France doit promouvoir et défendre les principes de souveraineté nationale et d’indépendance, tant pour elle-même que pour d’autres nations. Ils reflètent également une vision du monde où la France serait un arbitre de la paix et de la justice internationale, loin de la domination des superpuissances.
La question de l’Algérie représenta l’un des défis les plus complexes et douloureux auxquels De Gaulle a dû faire face durant son mandat. Son approche de la crise algérienne illustre à la fois la flexibilité de sa politique et les limites de son nationalisme, oscillant entre la défense de l’intégrité territoriale française et la reconnaissance progressive des réalités politiques et humaines. L’insurrection du Front de Libération Nationale (FLN) en 1954 a marqué le début de la guerre d’Algérie, une guerre de décolonisation qui a rapidement évolué en un conflit majeur. Lorsque De Gaulle est revenu au pouvoir en 1958, la crise algérienne était à son paroxysme, avec des violences et des tensions croissantes tant en Algérie qu’en métropole. Initialement, De Gaulle semblait soutenir l’idée que l’Algérie resterait française, comme le montre son célèbre discours « Je vous ai compris » à Alger en juin 1958, interprété par beaucoup comme un engagement envers l’Algérie française.
Dans les premières années de son second mandat, De Gaulle a mis en place une série de référendums pour résoudre la question algérienne. Le premier, en septembre 1958, a ratifié la nouvelle Constitution de la Ve République, incluant l’Algérie dans la « République une et indivisible ». Cependant, face à l’escalade du conflit, De Gaulle a progressivement adopté une politique plus pragmatique, réalisant que l’intégration de l’Algérie à la France ne pouvait se faire sans un coût humain et politique énorme. Le tournant majeur de la politique de De Gaulle concernant l’Algérie a eu lieu au début des années 1960. Reconnaissant l’inévitabilité de l’indépendance algérienne, il a commencé à préparer l’opinion publique française à cette éventualité. Les accords d’Évian, signés en mars 1962, ont finalement mis fin à la guerre et ont accordé l’indépendance à l’Algérie, marquant une rupture significative avec la politique initiale de De Gaulle. Sa décision de reconnaître l’indépendance de l’Algérie a été fortement contestée en France, surtout parmi les pieds-noirs (Français d’Algérie) et certains secteurs de l’armée. Les tentatives de coup d’État par l’Organisation de l’armée secrète (OAS) et les multiples attentats reflètent l’opposition féroce à cette politique. Cette période a mis en évidence les tensions internes en France concernant la définition de la nation et les limites du nationalisme de De Gaulle. Dans ses discours sur l’Algérie, De Gaulle a souvent évoqué des thèmes de paix et de réconciliation, comme dans son appel à la « paix des braves » en 1960. Ces discours montrent une évolution significative dans sa pensée, passant d’un nationalisme intransigeant à une acceptation pragmatique des réalités politiques. La résolution de la crise algérienne a posé des questions fondamentales sur l’identité nationale française. En acceptant l’indépendance de l’Algérie, De Gaulle a redéfini les contours du nationalisme français, privilégiant l’unité et la stabilité de la métropole au détriment des territoires ultramarins.
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L’examen de la politique du Général Charles de Gaulle révèle un portrait complexe d’un leader dont le nationalisme a profondément influencé la trajectoire politique, sociale et culturelle de la France au XXe siècle. De Gaulle a incarné une forme de nationalisme qui, tout en cherchant à promouvoir la grandeur et l’indépendance de la France, a également dû s’adapter aux réalités changeantes et souvent tumultueuses de son époque. Il a remodelé la France à travers une série de réformes institutionnelles, économiques et sociales qui visaient à renforcer l’État et à promouvoir une identité française unifiée. Sur le plan international, sa politique de « grandeur » a cherché à positionner la France comme une puissance indépendante et influente, capable de naviguer entre les superpuissances sans compromettre sa souveraineté. Cette approche a été particulièrement évidente dans sa gestion des relations avec les États-Unis et dans son soutien aux mouvements de décolonisation. La politique de De Gaulle envers l’Algérie représente peut-être l’aspect le plus controversé et le plus révélateur de son nationalisme. En passant de la défense acharnée de l’Algérie française à la reconnaissance de son indépendance, De Gaulle a démontré une capacité à évoluer en fonction des exigences politiques de son temps. Cette décision a non seulement mis fin à un conflit dévastateur mais a aussi redéfini le nationalisme français, en le détachant de l’empire colonial pour le recentrer sur la métropole.
Les principes du nationalisme français qu’il a établis — notamment l’importance de l’indépendance nationale et la prééminence de la République — sont aujourd’hui bafoués et pervertis par les différentes forces politiques qui préfèrent dissoudre l’identité et l’indépendance française dans une entité européenne soumise aux intérêts américains. L’entrisme islamique et la forte immigration sont autant de défis que la France devra relever et seul un retour à un nationalisme gaulliste fort permettra à la France de retrouver sa grandeur.